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11.05.2015

Le Fort a livré son horrible secret


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Mon grand-père Léon Fallot

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Le Fort a livré son horrible secret


En 1945, des corps mutilés sont retrouvés dans les murs du Fort de Penthièvre, à Saint Pierre Quiberon. Parmi eux, se trouvent ceux dʼune vingtaine dʼhommes, de la région de Locminé. La nouvelle ébranle le pays.


«On sort les cadavres. Le premier corps porté sur une civière sort de lʼantre funèbre. Un silence accablant règne au fond de la douve. Le cadavre qui se disloque et dont une chaussure se détache, est déposé sur lʼherbe. » Récit dʼun journaliste dépêché au Fort de Penthièvre, le 17 Mai 1945. Trois jours plus tard, un télégramme est envoyé à Locminé: «25 malheureux Locminois découverts à Penthièvre – Enterrement aujourdʼhui, Lamour ».

Parmi eux, Léon Fallot, père de Bernard ( onze ans) , Jean-Etienne ( trois ans)  et Paul lʼaîné. Pour Bernard, cʼest la fin de lʼespoir : «On lʼa cherché partout », se souvient lʼorphelin, aujourdʼhui âgé de 77 ans. Lors dʼune procession religieuse, nous avions fabriqué une grande banderole avec les autres enfants dont les pères avaient été arrêtés par les Allemands. Elle disait : «Retrouvez nos papas ». Pour lʼépouse de Léon, cʼest une tragédie de plus, elle vient de perdre un fils emporté par la scarlatine.
Léon Fallot, représentant en tissus était très connu dans la région de Locminé, il était le président du
club de football de la Saint Colomban et engagé au sein de la Résistance. Ce qui lui a coûté la vie, à lui et vingt-quatre de ses compatriotes Locminois.
Léon Fallot et ses compagnons ont été arrêtés par les allemands lors dʼune rafle à Locminé le 3 Juillet
Prévenu, Léon tente de sʼenfuir, un chien allemand le débusque dans le pommier où il sʼétait caché. «De la fenêtre de ma cuisine, je pourrais voir ce pommier sʼil existait encore » confie Jean-Etienne aujourdʼhui âgé de 70 ans. «Mon père savait de toute façon que cʼétait fini pour lui, car sʼil avait pu échapper à la rafle, il se serait livré pour que sa famille ne subisse pas de représailles. Les Allemands avaient suffisamment de renseignements sur son activité de chef de la Résistance.»

Emprisonné dans les geôles de Locminé - l'ancienne école communale des filles-  actuelle école Annick-Pizigot, les prisonniers sont torturés à plusieurs reprises comme le confirme de nombreux témoignages de lʼépoque relatés dans le journal vannetais La Liberté . Un maire dʼune commune voisine, passé par ces geôles, raconte dans les colonnes du 26 Septembre 1944 : «Dʼautres ne pouvant se relever ont été piétinés, un autre, dʼun coup de bâton,   a eu lʼarcade sourcilière fendue, lʼoeil sorti de lʼorbite et laissé sans soin ». Cet homme à lʼ œil  arraché est peut-être Léon Fallot, ses fils croyant savoir quʼil a été victime de cette mutilation.
Le même journal relate que vers le 7 Juillet, les prisonniers
locminois sont acheminés dans la prison de Vannes dʼoù ils sortent le 12. «Depuis cette époque, aucune nouvelle officielle nʼest parvenue à leurs familles. Que celles-ci sachent que tous les espoirs sont encore permis puisquʼen tout état de cause, rien de fâcheux nʼa pu être recueilli sur leur sort… »

Paroles de réconfort anéanties, hélas, à la découverte des corps en Mai 1945. Les occupants ont tout fait pour dissimuler leurs forfaits. Mais le témoignage dʼun aumônier allemand aboutit à la découverte du charnier. Dans une lettre, ce prêtre affirme avoir assisté à lʼexécution de six Résistants, dont trois noms seulement lui reviennent. Parmi eux, celui de Léon Fallot. «Il a été fusillé le premier en tant que chef de
groupe », souligne son fils Jean-Etienne.
L'aumônier raconte : «Je me rappelle de Léon Fallot qui était le plus tranquille (….) Ils étaient très courageux, comme des héros (...) Je quittais la place de lʼexécution (…) et je me demandais : pourquoi devaient- ils mourir ces six-là »
Dans cette lettre, il reste flou sur la date de lʼexécution et mentionne seulement quʼil sʼagit dʼun vendredi de juillet. Hors cette année-là, en 1944, le 14 Juillet tombe... un vendredi. Le résistant Georges Morvan qui a effectué de nombreuses recherches sur le sujet est catégorique : «Vraisemblablement, nos résistants ont été assassinés le 14 juillet, pour la fête nationale. Le symbole est un vice cynique chez les nazis ». Ce qui est probable, cʼest que les exécutions se sont déroulées sur plusieurs jours.
Pour ces hommes torturés et assassinés, pour ces innocents, il nʼy aura pas dʼenterrement. Du moins pas immédiatement. Les corps de Léon Fallot et de 58 autres personnes dont une vingtaine de Locminé sont cachés dans un tunnel creusé dans la douve du Fort, littéralement emmurés. Ce sont les soldats allemands faits prisonniers lors de la libération de la poche de Lorient qui transporteront les corps hors de leur puits dʼoubli. Aujourdʼhui, leurs dépouilles reposent au cimetière de Locminé, avec celle de la jeune résistante locminoise Annick Pizigot.

Hélène Perraudeau, "Disparus de Locminé",
page 4 du journal La Gazette du Centre Morbihan, 9/07/2010