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11.05.2015

Mon grand-père Léon Fallot


Seuls les morts qui sont nommés ne sont pas perdus pour la mémoire des peuples 




léon fallot,résistants,locminé,penthièvre,devoir de mémoireLe 8 mai, le monde commémorait les 70 ans de la fin de la seconde guerre mondiale. Au-delà de la capitulation de l’Allemagne nazie, ce fût l’occasion de rappeler le rôle de la Résistance dans ce  devoir de mémoire, concept relativement nouveau en France  mais  au moins aussi  important que les cérémonies commémoratives.  Si chacun a son devoir de mémoire quelque part, lié à l’histoire des siens, la mémoire collective, elle,  a besoin d’être présente aussi sur Internet pour durer et comme l’écrit la revue des Amis de la résistance du Morbihan  Seuls les morts qui sont nommés ne sont pas perdus pour la mémoire des peuples .






J’avais tenus à le faire sur ce blogue en laissant une trace du nom de mon grand-père Léon Fallot dans ma Note du 30 octobre 2011.

Depuis, j’ai pu voir et lire les témoignages sur les suppliciés de Penthièvre   dont bien sûr moi et ma famille  connaissaient l’existence mais qui n’avait jamais été publiées sur la Toile. Je tenais à en remercier ici l’association qui en est à l’origine ainsi que tous ceux qui par leur travail de recherche et de publication participent à ce devoir de mémoire et d’hommages aux femmes et hommes de la résistance. Merci également à mon oncle Jean-Etienne de m’avoir fait parvenir l’article de presse sur ces évènements et paru dans La Gazette du Centre Morbihan. Vous pourrez le lire en lien avec cette Note:  Le Fort a livré son horrible secret




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En cette année 1945,   ce n’est que le 16 mai que furent découvert  au Fort de Penthièvre dans la  presqu’île de Quiberon les corps des résistants torturés, fusillés sommairement et emmurés en juillet  1944. Parmi eux mon grand-père Léon Fallot.

La commémoration  se déroule chaque été au Fort de Penthièvre chaque 13 juillet. Je m’y rendais avec ma famille enfant ;  j’y suis retourné l’an passé.  Sur la route, souvent  saturée de voitures de vacanciers, une pancarte rappelle:  
« VOUS QUI VISITEZ CETTE PRESQU’ILE 59 résistants ont été fusillés dans ce fort... ».


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Si vous passez dans la région, un petit parking en face du fort et  le long  de la plage permet d’accéder à la partie du Fort ouverte au public et à la la stèle commémorative. Mais pour mieux comprendre ce qui s’est passé en ces lieux, faites quelques pas de plus en descendant vers la douve. Sur le mur extérieur de la crypte, vous lirez les documents d’époque avant de pénétrer dans le souterrain qui servit de lieu de tortures puis d’exécutions sommaires.  Sur la plaque commémorative  à l'entrée du souterrain (photos ci-dessous) les noms des fusillés par commune.


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Comment ne pas penser également à mon Papa en écrivant ces lignes ? Il faillit de peu lui aussi être arrêté dans son école de Locminé et passa du statut d’adolescent à celui de chef de famille.  Cela faisait longtemps que je voulais écrire cette Note, ne sachant trop comment le faire et  ayant peut-être aussi peur de mal faire…Ce que je savais par contre, c’est qu’il était  important de le faire.  C’est mon devoir de mémoire.    

 

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Photo de Léon Fallot: Archives familiales

Fort de Penthièvre, août 2014-  Photographies Louis-Paul Fallot

Le Fort a livré son horrible secret


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Mon grand-père Léon Fallot

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Le Fort a livré son horrible secret


En 1945, des corps mutilés sont retrouvés dans les murs du Fort de Penthièvre, à Saint Pierre Quiberon. Parmi eux, se trouvent ceux dʼune vingtaine dʼhommes, de la région de Locminé. La nouvelle ébranle le pays.


«On sort les cadavres. Le premier corps porté sur une civière sort de lʼantre funèbre. Un silence accablant règne au fond de la douve. Le cadavre qui se disloque et dont une chaussure se détache, est déposé sur lʼherbe. » Récit dʼun journaliste dépêché au Fort de Penthièvre, le 17 Mai 1945. Trois jours plus tard, un télégramme est envoyé à Locminé: «25 malheureux Locminois découverts à Penthièvre – Enterrement aujourdʼhui, Lamour ».

Parmi eux, Léon Fallot, père de Bernard ( onze ans) , Jean-Etienne ( trois ans)  et Paul lʼaîné. Pour Bernard, cʼest la fin de lʼespoir : «On lʼa cherché partout », se souvient lʼorphelin, aujourdʼhui âgé de 77 ans. Lors dʼune procession religieuse, nous avions fabriqué une grande banderole avec les autres enfants dont les pères avaient été arrêtés par les Allemands. Elle disait : «Retrouvez nos papas ». Pour lʼépouse de Léon, cʼest une tragédie de plus, elle vient de perdre un fils emporté par la scarlatine.
Léon Fallot, représentant en tissus était très connu dans la région de Locminé, il était le président du
club de football de la Saint Colomban et engagé au sein de la Résistance. Ce qui lui a coûté la vie, à lui et vingt-quatre de ses compatriotes Locminois.
Léon Fallot et ses compagnons ont été arrêtés par les allemands lors dʼune rafle à Locminé le 3 Juillet
Prévenu, Léon tente de sʼenfuir, un chien allemand le débusque dans le pommier où il sʼétait caché. «De la fenêtre de ma cuisine, je pourrais voir ce pommier sʼil existait encore » confie Jean-Etienne aujourdʼhui âgé de 70 ans. «Mon père savait de toute façon que cʼétait fini pour lui, car sʼil avait pu échapper à la rafle, il se serait livré pour que sa famille ne subisse pas de représailles. Les Allemands avaient suffisamment de renseignements sur son activité de chef de la Résistance.»

Emprisonné dans les geôles de Locminé - l'ancienne école communale des filles-  actuelle école Annick-Pizigot, les prisonniers sont torturés à plusieurs reprises comme le confirme de nombreux témoignages de lʼépoque relatés dans le journal vannetais La Liberté . Un maire dʼune commune voisine, passé par ces geôles, raconte dans les colonnes du 26 Septembre 1944 : «Dʼautres ne pouvant se relever ont été piétinés, un autre, dʼun coup de bâton,   a eu lʼarcade sourcilière fendue, lʼoeil sorti de lʼorbite et laissé sans soin ». Cet homme à lʼ œil  arraché est peut-être Léon Fallot, ses fils croyant savoir quʼil a été victime de cette mutilation.
Le même journal relate que vers le 7 Juillet, les prisonniers
locminois sont acheminés dans la prison de Vannes dʼoù ils sortent le 12. «Depuis cette époque, aucune nouvelle officielle nʼest parvenue à leurs familles. Que celles-ci sachent que tous les espoirs sont encore permis puisquʼen tout état de cause, rien de fâcheux nʼa pu être recueilli sur leur sort… »

Paroles de réconfort anéanties, hélas, à la découverte des corps en Mai 1945. Les occupants ont tout fait pour dissimuler leurs forfaits. Mais le témoignage dʼun aumônier allemand aboutit à la découverte du charnier. Dans une lettre, ce prêtre affirme avoir assisté à lʼexécution de six Résistants, dont trois noms seulement lui reviennent. Parmi eux, celui de Léon Fallot. «Il a été fusillé le premier en tant que chef de
groupe », souligne son fils Jean-Etienne.
L'aumônier raconte : «Je me rappelle de Léon Fallot qui était le plus tranquille (….) Ils étaient très courageux, comme des héros (...) Je quittais la place de lʼexécution (…) et je me demandais : pourquoi devaient- ils mourir ces six-là »
Dans cette lettre, il reste flou sur la date de lʼexécution et mentionne seulement quʼil sʼagit dʼun vendredi de juillet. Hors cette année-là, en 1944, le 14 Juillet tombe... un vendredi. Le résistant Georges Morvan qui a effectué de nombreuses recherches sur le sujet est catégorique : «Vraisemblablement, nos résistants ont été assassinés le 14 juillet, pour la fête nationale. Le symbole est un vice cynique chez les nazis ». Ce qui est probable, cʼest que les exécutions se sont déroulées sur plusieurs jours.
Pour ces hommes torturés et assassinés, pour ces innocents, il nʼy aura pas dʼenterrement. Du moins pas immédiatement. Les corps de Léon Fallot et de 58 autres personnes dont une vingtaine de Locminé sont cachés dans un tunnel creusé dans la douve du Fort, littéralement emmurés. Ce sont les soldats allemands faits prisonniers lors de la libération de la poche de Lorient qui transporteront les corps hors de leur puits dʼoubli. Aujourdʼhui, leurs dépouilles reposent au cimetière de Locminé, avec celle de la jeune résistante locminoise Annick Pizigot.

Hélène Perraudeau, "Disparus de Locminé",
page 4 du journal La Gazette du Centre Morbihan, 9/07/2010