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31.08.2011

A l’ombre (ou la lumière) du platane

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Un texte de Dominique W

 

A l’ombre (ou la lumière) du platane

A quelques heures de mes sept saisons en abstinence (1) , je me suis assis sur un banc à la couleur bleu ciel. Le vent se frayait un passage à travers les feuilles, pour aller se perdre peut être, se poser ailleurs sûrement ou tout simplement mourir contre une façade gris claire d'une vieille bâtisse encore debout malgré les avanies du temps qui passe. Une musique se précisait entre les feuilles, un chant mélodieux passait par un trou au milieu d'un vieux platane.
J'étais assis, heureux, le visage caressé par le soleil, assis au même endroit où dans un temps passé et pas si lointain, je gisais ivre mort.


A cette époque funeste, trébuchant, à moitié rampant, je m'étais couché lourdement sur ce banc. J'étais persuadé que je ne me relèverai pas, "on ne sort pas aussi vite d'un cercueil" m'étais-je dit. Pourtant, j'avais gît sur divers sols bien souvent: carrelage, béton, bois, bitume, terreau, pierres...je vivais dans des tranchées, à l'ornière de la vie, pour le moins à l'écart de ceux que je voyais vivre. Moi, je mourrai. Ce banc m'était apparu comme un linceul. J'étais à bout de forces.

 

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Ces quelques heures couché sur ce banc, je pressentais que j'étais bien malade, que ma tristesse n'avait d'égal que mon envie de vivre et d'être heureux, celle que j'avais pu avoir un jour, si éloigné, que ne me venait à l’ esprit que le souvenir lointain du bruit d'une rivière qui avait bercé mes plus jeunes années. L'aube ne tient jamais sa promesse, étais-ce une raison pour devancer mon crépuscule ?

J'étais dans un temps crépusculaire, je n'avais pas 38 ans. Je m'étais couché, souhaitant que peu à peu le bois vienne à m'engloutir, que je ne fasse qu'un avec le banc. Je disparaîtrai sans laisser de traces, les passants ne verraient pas ma disparition, lentement je me retirerai, sans fracas.
Alors que mes pensées s'enfonçaient inexorablement sous terre, un vent fort se leva, mes paupières se redressèrent peu à peu, je bougeais un doigt sur le coin du banc, l’ongle enfoncé dans la chair du banc,  je vis une lueur. Celle d'un lampadaire, il faisait nuit. Combien d'heures avais-je gît là ? J’avais froid. Ma première pensée fût pour mon amour et l'effroyable idée de lui avoir fait traverser cet enfer. Ce n'était pas fini.
Ce jour, je pris conscience que j'étais gravement malade: une graine était semée.
Rien n'était réglé, mais rien ne serait plus comme avant.
Je tombai encore plus bas, plus fort mais sur ce banc un début de vie s'était glissé entre les lattes du banc et moi.

 

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Ce récit me semble si lointain et si proche.  

Qu’ai-je fais de ces sept années ? J’ai voyagé, pensé,  travaillé,  aimé, lu, couru, pleuré, ri, nagé, dormi, rêvé, fais du vélo, joué, colorié, écris, marché dans la neige, pris soin de mes chats, regardé, senti les fleurs, couché dans l’herbe, mangé de bons mets, gueulé, mais surtout j’ai vu des couleurs. En toutes choses, en tous lieux, j’ai vu la couleur. Souvent, je répète que dans la douleur de cette traversée en Alcoolie, je voyais gris. Il ne s’agit pas d’une image, je ne distinguais plus aucune couleur. Rien ne coloriait mon cœur, encore moins mon esprit, le jour était la nuit, la nuit était le jour. Le sens était absent en toutes choses. Qu’ai-je fais de ces sept années ? Ce que je ne faisais plus depuis de longues lunes, j’ai arrêté de mourir et j’ai vécu. J’ai vécu chaque seconde nouvelle comme un don, comme une seconde chance pour arrimer ma vie vers des horizons meilleurs et sans alcool. Mais, je n’ai jamais oublié la tempête et la force des vents contraires qui vous arrachent de ce que vous vouliez, rêviez d’être : un homme heureux. Je n’ai jamais oublié que mon enfer est alcool, que ma faille est alcool, que ma perte est alcool. Et quand le soleil est trop brillant, ma vie si belle que je viendrai à nier ce qui a été, alors je passe par le parc où est mon platane, mais surtout mon banc. Je m’assois sur mon banc bleu ciel, lève la tête, regarde les oiseaux, scrute cet arbre : lui sait….que des vents contraires peuvent déraciner le plus solide de ce qui est aujourd’hui.

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Demain est un autre jour. Rendre demain possible me suffit et me comble de joie. Vos couleurs n’attendent que vous. Demain est possible sans alcool, je vous le jure quelque soit votre état du jour ne doutez pas, (2), un platane vous attend aussi…..bleu, vert, rose, jaune, orange, brun, bleu ciel…

A vous de voir.  

 

 Dominique W  

 

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Renvois 1 et 2 par mes soins:

(1)  texte écrit le 10 août 2011

(2) A lire sur le Blog de  Dominique Autié et pensées pour lui:

"Lettre  aux sceptiques"

 

 

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Les photos :

D'habitude c'est l'eau des rivières qui illustrent ici les textes de Dominique W. Cet été j'ai vu des platanes par centaines, droits et rapprochés sur  les routes de l'Hérault, le "Roi" à St Guilhem et bien sûr ceux d'Annot  près de Méailles auprès desquels je goûte au plaisir d'une lecture de  fin de matinée ou début d'après-midi.  Les photos qui illustrent le texte de Dominique  ont été prises juste après l'orage, entre deux averses. Je n'avais jamais vu l'écorce ainsi ! Il n'y a aucune retouche  à ces clichés. A la réception de son texte, j’y ai de suite repensé : l'arbre qui pleure, l'arbre déchiré, les nœuds du tourment puis les couleurs de l'abstinence. Je suis heureux de pouvoir les publier en illustration de ce texte. Encore très bon anniversaire Dominique.

 

Commentaires

Merci à tous les deux. C'est fort. C'est solide. C'est plein.

Écrit par : Claudio | 31.08.2011

Tu t'en es bien sorti, ce qui démontre une force de caractère aussi. Amicalement. Belle journée.

Écrit par : patriarch | 31.08.2011

Merci pour ce texte sans chichi, pour ces photos qui ont presque une odeur.

Écrit par : L U C | 31.08.2011

Quel beau texte ! merci de publier ces mots d'espoir !

Belles photos , bises Louis-Paul

Écrit par : noelle | 31.08.2011

Touchant, bouleversant, très beau texte magnifiquement illustré ! J'adore les platanes et je chéris particulièrement celui qui protège notre maison et l'anime chaque jour, en toutes saisons de ses écorces changeantes, pleines de vie... Un tableau à observer au quotidien, messager de plein d' espoir !
Merci Louis-Paul

Écrit par : Nath | 31.08.2011

Très touchée par ce que tu as vécu.
Bises

Écrit par : Fanchon | 31.08.2011

C'est très touchant ton article, bravo pour cette réussite. Cet été j'ai aussi pris la photo de l'écorce de platane que je trouvais très joli, je veux essayer d'en faire un tableau.

Écrit par : Solange | 31.08.2011

Ce jour est celui du "défifoto". (lien ci contre) et sur le thème proposé pour ce 1er septembre, j'aurais pu parler de "la paix" intérieure (re) trouvée.
Et encore merci à Dominique de m'avoir envoyé ce si beau texte.
Belle journée à toutes et tous.

Écrit par : Louis-Paul | 01.09.2011

Suis Fière de toi et heureuse pour toi!!!
De tout coeur j'ai partagé ta note;
bisous

Écrit par : framboise | 01.09.2011

Un texte terriblement bouleversant et tes photos qui chaloupent, cicatrices, hallucinations, gangrènes, vertiges..Un voyage initiatique, une quête, un bateau qui tangue mais ne se noie pas, une arrivée bienfaisante au port, quel voyage...
Oui, soyez fiers, soyez heureux!!!!!!!!!

Écrit par : karine | 01.09.2011

C'est un beau texte et de magnifiques photos, très forts, l'occasion de vous découvrir après votre passage sous l'arbre. Je suis d'autant plus touchée que j'ai eu beaucoup de douleurs liées à l'abus d'alcool de mes proches et si je ne suis pas abstinente, je me tiens à distance de l'alcool.

Écrit par : Zoë Lucider | 02.09.2011

Sincères félicitations, Louis-Paul. ♥

Écrit par : joye | 02.09.2011

Je suis bouleversée pas ce texte émouvant, tellement beau de désespoir vaincu et d'espoir, bouleversée par l'écriture, simple et forte. Lorsqu'on a vu l'un de ses proches s'enfoncer dans le bois du banc, impuissant à souffler pour lui la brise qui relèverait ses paupières, que l'on finit par sombrer dans la rage la colère, la douleur, on ne peut qu'être ému par la lueur décrite ici, et la victoire contre la ravageuse maladie.
Les photos L. Paul sont extraordinaires , j'ai du mal à croire qu'elles puissent être de couleur naturelle . Très bel ensemble.

Écrit par : sido | 09.09.2011

Sido, tous les textes de Dominique sont très beaux et participent à ce que nous souhaitons faire partager, ici et ailleurs: cette "lueur" que tu évoques et surtout ce mot Espoir, seul rempart à cette indescriptible souffrance que tu évoques, pour le malade et pour celles et ceux qui sont proches.
Et pour les photos, moi le premier n'en revenait pas de ces couleurs sur les arbres, c'était à Annot cet été. Je t'embrasse.

Écrit par : LP | 11.09.2011

Beau,... le dernier jour avant la nouvelle vie et puis le gris qui devient couleur... J'ai été émue aux larmes. Bises

Écrit par : Martine / Eglantine | 11.09.2011

Me voici de retour de vacances à la mer..Bretagne.
Je vous remercie tous infiniment pour vos commentaires chaleureux.J'ai pris soin de visiter chacun de vos sites, j'y ai pris un grand plaisir, tous reflètent une grande sensibilité et un amour de son prochain.Belle vie à vous tous.
Cher LOUIS PAUL, je te remercie encore et encore pour ton hébergement de mes quelques feuilles colorées que je jette une fois par an du haut de la fenêtre de ma nouvelle vie, du haut d'un arbre ou au milieu d'une rivière, elles voyagent, rencontrent des passants et si un seul de mes mots peut donner l'espoir alors l'année sera belle..loin des considérations marchandes de nos vies quotidiennes, j'aime à penser que la gratuité,l'échange et le partage restent les seuls richesses de notre civilisation...Et s'ils ne devaient rester que quelques traces de moi et que ce soit ces quelques mots sur tes pages, alors cela me suffirait et me comblerait.
Je te laisse ici,assis à mon bureau,avec un de mes chats à mes cotés,et je pense à Dominique Autié qui a rendu possible notre rencontre.Il y a des disparus dont la présence est plus forte que les morts-vivants que nous pouvons croiser chaque jour.Que ta vie continue à être belle et colorée.
FRATERNELLEMENT,

Dominique

Écrit par : DOMINIQUE W | 19.09.2011

c'est tellement bien écrit qu'on ne ressent pas les désastres de l'addiction !
bravo
Zohra

Écrit par : Zohra | 15.11.2011

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