17.10.2015
Le Nuage
I change, but I cannot die.
Shelley, the Cloud
Levez les yeux ! C’est moi qui passe sur vos têtes,
Diaphane et léger, libre dans le ciel pur ;
L’aile ouverte, attendant le souffle des tempêtes,
Je plonge et nage en plein azur.
Comme un mirage errant, je flotte et je voyage.
Coloré par l’aurore et le soir tour à tour,
Miroir aérien, je reflète au passage
Les sourires changeants du jour.
Le soleil me rencontre au bout de sa carrière
Couché sur l’horizon dont j’enflamme le bord ;
Dans mes flancs transparents le roi de la lumière
Lance en fuyant ses flèches d’or.
Quand la lune, écartant son cortège d’étoiles,
Jette un regard pensif sur le monde endormi,
Devant son front glacé je fais courir mes voiles,
Ou je les soulève à demi.
On croirait voir au loin une flotte qui sombre,
Quand, d’un bond furieux fendant l’air ébranlé,
L’ouragan sur ma proue inaccessible et sombre
S’assied comme un pilote ailé.
Dans les champs de l’éther je livre des batailles ;
La ruine et la mort ne sont pour moi qu’un jeu.
Je me charge de grêle, et porte en mes entrailles
La foudre et ses hydres de feu.
Sur le sol altéré je m’épanche en ondées.
La terre rit ; je tiens sa vie entre mes mains.
C’est moi qui gonfle, au sein des terres fécondées,
L’épi qui nourrit les humains.
Où j’ai passé, soudain tout verdit, tout pullule ;
Le sillon que j’enivre enfante avec ardeur.
Je suis onde et je cours, je suis sève et circule,
Caché dans la source ou la fleur.
Un fleuve me recueille, il m’emporte, et je coule
Comme une veine au cœur des continents profonds.
Sur les longs pays plats ma nappe se déroule,
Ou s’engouffre à travers les monts.
Rien ne m’arrête plus ; dans mon élan rapide
J’obéis au courant, par le désir poussé,
Et je vole à mon but comme un grand trait liquide
Qu’un bras invisible a lancé.
Océan, ô mon père ! Ouvre ton sein, j’arrive !
Tes flots tumultueux m’ont déjà répondu ;
Ils accourent ; mon onde a reculé, craintive,
Devant leur accueil éperdu.
En ton lit mugissant ton amour nous rassemble.
Autour des noirs écueils ou sur le sable fin
Nous allons, confondus, recommencer ensemble
Nos fureurs et nos jeux sans fin.
Mais le soleil, baissant vers toi son œil splendide,
M’a découvert bientôt dans tes gouffres amers.
Son rayon tout puissant baise mon front limpide :
J’ai repris le chemin des airs !
Ainsi, jamais d’arrêt.
L’immortelle matière Un seul instant encor n’a pu se reposer.
La Nature ne fait, patiente ouvrière,
Que dissoudre et recomposer.
Tout se métamorphose entre ses mains actives ;
Partout le mouvement incessant et divers,
Dans le cercle éternel des formes fugitives,
Agitant l’immense univers.
Nice, 1871
Louise Ackermann, Poésies Philosophiques
Illustration: Soleil dans le nuage
Photographie Louis-Paul Fallot
Cros de Cagnes
le 16 octobre 2015, 8h27
Publié dans Photographie, Texte choisi | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : nuage, lever de soleil, poésie, louise ackermann | 08:35 | Facebook |
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08.10.2015
Alain
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant des chemins…
Antonio Machado Caminante no hay camino
"L'automne est ma saison je suis de tous les octobres..... Persistant et feuillu je suis , Dans le Sud Ouest que j'habite et dans sa forêt cartésienne de pins maritimes, on l'appelle aussi maladie bleue. C'est le mois du pigeon ramier..de la palombe .Cet oiseau bleu que savent chanter les paloumeyres, migre vers les chaudes afriques. "C’est le commentaire déposé sur ce blogue par mon ami Alain en 2009 sur une Note dont le titre était Pensées automnales.
Alain Allain, dont vous pouvez ici lire un peu de sa poésie : the cat on the roof et bien sûr Nantes.
Il a écrit ce poème que j'aime particulièrement et l'a illustré de l'une de mes photographies préférées de Nantes (…) de cette ville où nous avons tant de souvenirs communs; de Nantes où a commencé notre amitié avant que nos vies respectives nous éloignent et que, récemment, nous nous retrouvions écrivais-je en janvier 2013.
Mon ami Alain Allain, né à Nantes un octobre 1951, parti en ce début octobre 2015, il y a quelques jours.
« Les lyres des poèmes ont le destin du vent. Ils vont et puis s'étirent jusqu'à des firmaments. »
Alain Allain,
Photo Louis-Paul Fallot prise à Préchac le 16 juillet 2010
Un jour Alain -.c’était encore un mois d’octobre, en 2011 - dans l’une de ces correspondances que l’on s’échange par courriels en complément des commentaires écrits sur les blogues, tu m’avais fait part de l’un de tes souvenirs personnels en citant Aragon chanté par Ferrat:
"Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours."
Au revoir mon très cher ami, je pense aussi aux tiens.
Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : alain allain, poète, poésie, amitié | 08:52 | Facebook |
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27.05.2015
La vieille porte
La vieille porte
Elle m’en a raconté des choses
la vieille porte
Du temps des artisans
et des métiers d’antan
De celui des guinguettes
et des valses à mille temps
Elle en a vu passer des gens
Des jeunes à cache cache
et des amoureux cachés
Puis elle aussi a vieilli
démontée délaissée oubliée
comme ses histoires dites du passé
Et pourtant oui et pourtant
Qu’elle est belle quand
dans son carreau semble se peindre
une œuvre de Staël
du bleu du blanc
Elle m’en a raconté des choses
la vieille porte
et mon petit doigt me dit
que ce n’est pas fini
Ecrit le 26 mai 2015, photo prise le 25 mai 2015
Publié dans Mes poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : poésie, poèmes, photo, porte | 07:23 | Facebook |
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