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19.08.2009

Variation sur la même main

Un texte de Dominique W

 

 

La fenêtre bleue-PhotosLP.JPG

 

 

Variation sur la même main

A l’aube de ma cinquième année sans alcool, je me suis levé la main tendue vers le volet de ma chambre jaune aux persiennes bleues, j’ai poussé délicatement le battant, mes yeux partant à la recherche d’un lever de soleil, dans l’attente des premiers rayons déposés sur le dos de mes voisines, quelques vaches blanches et noires, mon échiquier matinal bien en place, j’ai respiré à poumons déployés, j’ai remercié la vie. J’ai souri. J’ai déposé un regard amoureux sur mon épouse encore endormie, la caressant du regard, me souvenant à quels tourments j’avais pu l’exposer.

 Je suis allé préparer le café. Ma seconde pensée fût pour Dominique Autié et Louis-Paul, compagnons d’Abstinence et toutes celles et ceux que ma route avait croisés que ce soit à l’Hôpital, sur le forum du Doc Dupagne, une oasis pour celui qui n’en peut plus d’avoir soif à en crever.

C’est à l’hôpital que j’ai trouvé les premières mains tendues, Marie Anne, Patrick, Gilbert, Anne-Marie, Jean, André, une liste de prénoms, des Anonymes qui ne le seraient plus longtemps.

En ces temps-là, ma main était le centre de mes turpitudes, elle exprimait tout mon désespoir. Ma main n’existait que pour tenir un verre, jour et nuit. Toute autre utilité était inexistante. Je broyais mes phalanges d’impuissance, tordues de douleurs, je regardais ma main tremblotante, persuadée que c’était une illusion d’optique, seuls les ivrognes tremblent. Je n’étais pas de ces gens-là, mes mains, pourtant chaque jour m’indiquaient  la direction. Je cherchais les preuves de mon alcoolisme, je les tenais dans mes mains. Mais nous ne sommes pas faits pour tenir le désespoir entre nos mains, nous sommes faits d’une autre espérance. J’étais perdu.

J’ai regardé impuissant de nombreux jours mes mains, à pleurer. Aussi folle soit l’idée de pouvoir poser mon cerveau à côté de mon verre, juste pour souffler un peu, aussi vrai est que j’ai rêvé que mes mains se cassent dans un dernier fracas, comme un verre sur le carrelage bleu et gris d’une cuisine glacée. J’avais perdu la main de ma vie. Seul un fil tenait encore à l’idée de ce qu’elle avait été. J’ai pris beaucoup de choses en main dans ma courte vie, j’ai tendu beaucoup de mains avant de me l’arracher, j’ai construit peu à peu de ce qui devait être une vie de rêve, avant de virer au drame. J’ai arraché les papiers peints de mes rêves multicolores à coup d’alcool, ne comprenant pas à quel point avec mes murs si fragiles, j’allais tout détruire. J’y suis presque parvenu.

Ma main est tombée, une dernière fois sur le tapis de mon existence, il y a déjà cinq ans. A cet instant, entre Terre et Ciel, la roulette s’est arrêtée de tourner, et j’ai entendu souffler à mon oreille :

Alors soit tu t’arrêtes de jouer ta vie, ou c’est ton dernier lancement de dés. Le jeu est fini, tu as posé toutes tes cartes, tu es épuisé, alors si tu veux crever, vas y, un dernier verre sur la tempe, et roule misère !  

Couleur espoir-PhotosLP.JPG Ma réponse fût : « Comment vais-je faire ? »

 Accepte les mains qui te son tendues, accroches toi  comme tu peux et tu t’extirperas de ton enfer. Une fois, posé sur le bas côté de ton existence, reprends des forces, laisse revenir la vie dans tes Mains. Un jour, tu reconstruiras. Tes murs seront solides, tes couleurs chatoyantes. Un autre jour, plus tard, tu ouvriras aussi tes volets roses sur les persiennes bleues de ton existence, et tu seras heureux d’être là, juste là, à ta place, celle qui t’est réservée au milieu de ceux qui t’aiment. Alors, ceux qui t’ont tendu la main et qui sont aujourd’hui dans la joie de te voir pousser tes volets comme un gamin qui vient d’apprendre à faire ses premiers pas, viendront à ta table partager ton bonheur. Ta vie t’appartient. 

Aujourd’hui, en ce jour d’Anniversaire je lève et tend ma main à celui qui veut la prendre. Demain vous appartient.

Dominique W, le 10 août 2009

 

 @@@

 

Je me permets de rajouter ces quelques mots et liens en publiant ce mercredi et avec une très grande joie ce nouveau texte de Dominique W.

Il y a un an, nous écrivions: Dominique W et moi avons fait connaissance en nous rendant sur le Blog de Dominique Autié. Il nous manque, à tous les deux, à  beaucoup d’autres internautes  comme en témoignent  les écrits lus, ici et là sur la Toile.Mais il manque certainement encore plus à toutes celles et ceux qui venaient, dans sa rubrique  Alcoolisme abstinent de  son Blog chercher soit un début d’espoir, soit la force de poursuivre leur  chemin, celui  de l’abstinence heureuse.Nous nous inscrivons dans la fraternité qu’il définissait si bien, qu’il vivait si justement, nous continuons nos vies, ainsi nous témoignons pour l’Espoir, tout en lui rendant hommage.C’est le sens de cette publication.

C'est toujours ce même sens  qui nous anime. 

 

LIENS sur ce Blog: 

 

Alcoolisme abstinent

 

Du fond du trou

 

Et au milieu coule une rivière....

 

Fraternellement

 

Les belles rencontres

 

Noël 2008

 

LIEN SUR LE Blog de Dominique Autié:

 

Lettre aux sceptiques

 

 

Commentaires

Magnifique de courage et je sais ce que je dis pas pour moi mais j'ai connu !!!!!!!!!!!! bises

Écrit par : mamita | 19.08.2009

J'admire les gens qui s'en sortent. j'en ai aussi connu, car dans le bâtiment, dans les années 50 à 70 ce n'était pas rare. Nous le remarquions justement à cause des mains, le travail qu'exécutait le compagnon n'avait plus la dextérité d'avant.

Certains s'en sortaient, d'autres non et ceux là, à brève échéance perdent leur travail en plus.

Bonne journée à toi.

Écrit par : patriarch | 19.08.2009

Beau témoignage, ceux qui ne s'en sortent pas deviennent disfonctionnels.

Écrit par : Solange | 19.08.2009

Je te serre la main.

Écrit par : Didier | 20.08.2009

Merci...
Si vous saviez la joie qui empli mon coeur en vous lisant et vous suivant depuis vos débuts, ceux qui sont parti vers d'autre cieux ,ceux qui sont toujours là à donner du plaisir, de la joie, des émotions, montrer leur Art.
La vie ,la vraie vie, oui vous me la montrez fort bien et j'en suis heureux, vous voir grandir, si fort que lorsque je me voûte pars l'âge il me faut relever la tête pour vous voir déployer vos ailes et admirer comme vous volez bien, vous volez haut, dans le vent de cette vie, sans plus prendre les mauvais courant, seuls les ascencants vous guident, merci de ce que vous faites mais surtout de ce que vous êtes; à vous lire encore longtemps, avec ma profonde Amitié.

Écrit par : ROBERT DE NICE. | 20.08.2009

Très joli, les textes et les photos.

Toute mon admiration aux auteurs.

Écrit par : joye | 20.08.2009

Dominique, tes écrits s'envolent et viennent se poser sur les fleurs de l'abstinence heureuse, comme "mes" papillons de ce jour. Continuons à butiner nos messages d'espoir, belle journée à toi.

Écrit par : LP à Dominique W | 25.08.2009

Cher Louis Paul, Cher ROBERT DE NICE,Chers Tous,

Le papillon me va bien, en plus du livre que j'ai adoré adolescent, l'effet papillon également,les couleurs, le rôle du papillon dans la naissance, la renaissance de fleurs....Allez porter l'espoir même sur une terre brulée, en friches pour, peut être, y voir un jour, repousser des fleurs....Même s'il ne repoussait qu'une seule fleur, ça justifierait toute la démarche.Bien entendu, nous n'arrêtons pas l'alcool à la place des autres, notre présence n'est qu'un signe.
Nous témoignons qu'après l'alcool, une vie existe,plus riche et moins douloureuse,que mourir à coups de verres n'est décidément pas une vie, que la honte n'a pas lieu d'être là où seule devrait subsister la compassion, ce qui n'equivaut pas à un blanc seing à tous les comportements.
Alcool ou non, il convient de bien comprendre la responsabilité découlant de ses actes, sous alcool, rien n'est anodin.
J'ai eu grand plaisir à lire Robert de Nice, à lire vos commentaires.Si je peux "toucher" ne serait ce que de façon infime l'espoir caressé par certains "qu' arrêter de boire" est possible,alors mon rôle de papillon fait sens, au delà, donne un sens à ce qui n'a été qu'une longue plainte dans la nuit, dans ma nuit.
Je comprends la douleur des proches, je dis que notre rôle est de jeter des bouées à celui qui se noie, des bouées de toutes les couleurs, de toutes les formes, dans l'espoir que celui qui se noie pose sa main sur l'une d'entre-elles, et de bien comprendre que la limite de celui qui veut aider et dans ces phrases, que je répéte à l'hôpital:

"Une bouée n'a pas de bras !" " Celui qui arrête de boire est celui qui boit"

Si celui qui tombe, ne veut ou ne peut s'accrocher, nous ne pouvons rien.Mais, tant que la vie est là, nous pouvons toujours nous agenouiller et souffler à l'oreille de celui qui meurent, que nous l'attendons.

Belle journée à tous,

Écrit par : Dominqiue W. | 25.08.2009

Fenêtre…

Jolie fenêtre
Qui s’est ouverte !
Tout doucement
Et tendrement,

Une brise légère
Presque éphémère
S’en est allée
Nous a touché,

Une graine d’espoir
On ose y croire
Elle va fleurir
Et nous ravir !

Écrit par : Marie-Anne A-Z. | 27.08.2009

Le bonheur de lire vos textes dans une revue... publiée à Bruxelles. Le numéro 190.
Belle journée, nous sommes mercredi, je penserais à vous ce soir vers le joli port du Cros.

Écrit par : LP à Robert de Nice et Dominique W | 16.09.2009

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