Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31.08.2008

Du fond du trou

Dans quelques jours, j'irai fleurir ma tombe, le cœur serré et les mains tremblantes, j'essuierai une dernière fois le marbre froid de ce qui reste du souvenir de ma vie. Je m'installerai à quelques mètres, assis sur la tombe d'un voisin, et je verrai défiler ceux qui m'ont aimé."

"Pourquoi n'ai je pas arrêté?"

Voilà.

Ne sachant pas comment commencer mon petit passage parmi vous, en l'honneur de mes 4 années d'Abstinence, je me suis imaginé ce qui aurait pu arriver en 2004, si quelques cheveux d'anges n'étaient pas venus à mon secours.

 

J'ai écris,  "Lettres aux sceptiques", qui m'a valu d'être lu par un certains nombres d'entre Nous, dans divers endroits.
J'ai connu le bonheur de vivre des moments riches de partages avec un certain nombre d'entre vous. Certains sont encore ici, aux persiennes bleues reines de leurs nouvelles vies, ils essayent d'éclairer ce chemin vers l'Abstinence qui est bien difficile à dénicher.
Pourtant si proche, mais en la matière la proximité n'est pas synonyme de facilité.
Etre abstinent est tout, sauf une privation.

Un ami, Dominique, décédé, cette année, abstinent depuis plus de vingt ans, écrivait sur l'Abstinence ceci après avoir fait le tour des dictionnaires:

"Le mot paraît hors d'usage. Au premier pas, la langue ferait elle défaut ? C'est partir du plus loin. Du fond du trou."

Après le trou, mon premier pas en 2004, qui aurait pu ne pas être a été hésitant.

 

Fleur 2-Photo DominiqueW-2008.jpg
Photo Dominique W

 

 

Je n'ai pas eu peur de l'Abstinence," l'alcoolique abstinent n'a pas peur, juste froid aux yeux", comme me l'écrivait Dominique AUTIE.

Des instants magiques ont suivi mon arrêt de l'alcool, j'ai commencé peu à peu à vivre. Pour moi, c’était de cette dimension : Reprendre Vie.

Ma vie dans l'alcool n'a été qu'une imposture, une douleur psychologique et physique extraordinaire. Je crevais.

Ma tête tournait en tous sens, je vivais dans la confusion, pas un de mes sentiments ne durait, je passais aussi vite de l'espoir insensé d'arrêter dans la seconde au désespoir total de reprendre un verre la seconde d'après, le temps était fracassé, ce qui l'accompagnait avec.

Je buvais à en mourir. J'y suis presque parvenu. Dans ma folie, j'ai emmené avec moi tous ceux qui m'entouraient, ceux qui m'aimaient et les autres. J'en avais que foutre des autres. Je voulais mourir en paix. Pourtant paradoxalement, je n’arrêtais pas de faire la guerre, partout et en tout lieu. Politique de la terre alcoolisée, pas un sentiment humain n'en réchappait, le chaos était mon reste de vie.

Dans tous ces instants, aussi terrible que cela puisse être, je ne pensais jamais à moi, je pensais juste à boire, encore et encore. Juste à boire.

Pour ne leurrer personne, dans ces moments de grande alcoolisation, je ne pensais pas plus à moi qu’aux autres. Malgré tout ce que je pouvais dire, jurer, promettre, je ne négociais qu'avec mon diable, la bouteille. Je n'avais qu'un maître l'alcool. Le reste n'était que mensonge.
Pas le mensonge banal, le mensonge vital comme je l'ai nommé part la suite, celui qui te fait croire que ta seule solution pour supporter la vie, c'est de boire à en crever. Tellement colossal que j'y croyais.

J'étais un gamin qui refusait de grandir. J’avais oublié de me comporter comme un adulte, je ne ressemblais même pas à un enfant. J'étais un grand certes, mais un grand irresponsable. Je devenais dangereux.

Alors de ces temps funestes, je ne regrette rien, rien ne me manque, surtout pas l'alcool puisque son remplacement par l'abstinence a fait disparaître les pires démons.
Je ne voudrais plus me déchirer comme je l'ai fait, je ne voudrais plus cracher à la gueule de ma vie comme je l'ai fait, je ne voudrais plus fermer la porte du bonheur pour celles des illusions perdues.

L'alcool ne me manque pas, parce que la Vie a repris le dessus. Si elle a pu reprendre son chemin, c'est parce que je me suis éloigné de l'alcool.

Comme je l'ai déjà dit, je ne sais toujours pas « comment on arrête l'alcool », j'en serais encore incapable aujourd'hui. Toutefois, je sais que vivre sans alcool est possible, que cette vie est fabuleuse, colorée et pleine de promesses. Mais par dessus tout, j’ai retrouvé ce qui m'avait le plus manqué : ma dignité, regarder les gens en face, ne plus faire de concessions, ne plus mentir. Aujourd'hui, je me suis retrouvé si ce n’est tout simplement trouvé, pour la première fois.

« Etre droit et rêver »  est possible, car j’ai acquis la certitude qu’au fond de l'abîme il n'y a rien. Juste l'abîme.

Bien entendu, j'ai "mes emmerdes", mes coups de blues, mes envies « viscérales » de tout plaquer mais jamais je n'envisage l'alcool comme une réponse, c'est d'ailleurs la seule que j'exclus. En faisant ce choix, toutes les hypothèses sont face à moi, même les plus difficiles, sachant que la plus morbide serait d’aller vers un verre.

 

Fleur 3-PhotoDominiqueW-2008.jpg
Photo Dominique W

 

 

 

Une merveilleuse femme, infirmière, au nom hispanique, m'avait dit un jour une phrase qui fût ma clé:

"alors, vous avez décidé de sortir de la bouteille?"

C'est exactement ça, je vivais au propre et au figuré dans une bouteille, et vous pouvez imaginer quelle difficulté, au propre et au figuré, existe pour sortir d'une bouteille. Même si le premier pas doit venir de celui qui gît au fond, l'aide de tous est précieuse, fondamentale .Non pas qu’il s’agisse de rapport de forces à établir, mais du soutien nécessaire à tout individu vivant dans une détresse incommensurable.
Mais ici, également point de leurre, celui qui arrête de boire est celui qui boit. Les miracles n'ont pas cours.

Une chose est certaine, si aujourd'hui ma vie a repris de belles couleurs, je me remercie, mais je remercie aussi tous ceux qui m'ont tendu une main, une parole, un regard auquel j'ai pu m'accrocher pour faire surface. Ma femme avant tout  Ma dette est imprescriptible, alors je m'étais promis, aux jours meilleurs, que si je pouvais tendre un de mes mots, un de mes regards, une de mes paroles à un de mes frères de douleurs, je le ferais, sans rien attendre d'autres que l'espoir qu'il puisse aussi, un jour s'arrimer à sa vie, pour s'extirper de l'alcool et retrouver des couleurs, persuadés que les siens, ceux qui l'aiment, quoique qu'il croit l'attendent.

Alors, je vais m'arrêter là, reprendre mon boulot, en vous souhaitant à tous de revivre en vous, pour revivre après dans le regard des autres.
Que la force de devenir Abstinent, de souhaiter le rester soit avec Vous.

 

Fraternellement,                        Dominique

 

LIEN:

Alcoolisme abstinent

18.04.2008

Négritude

ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

Aimé Césaire

1302085809.3.jpg
Photographie Louis-Paul Fallot

 

 

C’était il y a juste un an, le 19 mars 2007 exactement. Intrigué par des travaux, je m’approchais pour observer ces ouvriers évoluant au milieu d’une épaisse fumée blanche mais sans odeur. Je m’approchais de l’un deux, lui parla et lui m’expliqua ce qu’il faisait. Je réussis, malgré le bruit et le fort accent africain de ce travailleur à comprendre un peu cette technique de refaire des canalisations en injectant de la résine, évitant ainsi de transformer une rue en une immense tranchée. J’étais impressionné mais plus encore par la gentillesse et la patience de cet homme, noir dans sa combinaison blanche. Je sentais la fierté de son travail partout en France dans cette entreprise si particulière utilisant une technologie de pointe. Je me suis éloigné, ai pris quelques photos, me suis dit qu’il faudrait que j’en parle, que je fasse une Note et je suis rentré chez moi l’esprit comblé et le cœur léger.

Voilà, vous raconter cette histoire un an après, c’est ma façon à moi de remercier cet homme inconnu rencontré dans une rue de Cagnes sur Mer l’an passé.

738769391.jpg

Et c’est  ma façon de rendre hommage à l’un des pères de la négritude (*),  à celui qui se disait   "fondamentalement poète, mais poète engagé" et "nègre, nègre, depuis le fond du ciel immémorial ".

 

(*) Voir ma Note sur la Martinique

09.04.2008

Et au milieu coule une rivière....

 

Il s’appelle Dominique et  dépose  souvent des commentaires chez un autre Dominique, celui que vous pouvez retrouver en lien dans ma rubrique « Envie de Blog » ci-contre.

Il n’a pas de Blog – à ma connaissance- mais il écrit de très beaux textes.

« (… )si tu te demandes où je vais chercher ce que j'écris, je te répondrai : au même endroit que les ignominies que je sortais quand je buvais – dans mes neurones. La différence est que je n'arrose plus mes fleurs cérébrales avec du désherbant. »  Extrait de Lettre aux sceptiques par Dominique , abstinent pratiquant, publiée sur le Blog de D.Autié le 10 août 2007.

Un jour récent, il a déposé un texte en « commentaire «  de ma Galerie photos. Une phrase introduit son texte: « Je viens de voir une merveilleuse photo, une rivière dans la région nantaise .La même .... »

J’aime la rencontre entre Mots et Photos. Et par les miracles de cette Nouvelle Vie, j’ai eu et ai toujours la chance de faire de belles rencontres.

Aujourd’hui, je suis heureux, avec l’accord de Dominique W,   de publier son texte illustré de quelques uns de mes clichés, que nous avons choisis parmi des photos que vous pouvez retrouver sur mes autre Blogs (PhotosLP et  Saison 2 ).

Enfin,  celles et ceux qui me connaissent un peu où qui ont lu mes textes de Nouvelle Vie (notamment un de février 2007) ne seront pas surpris de la publication de cette Note un  mercredi.

1219585490.jpg 

 

ET AU MILIEU COULE UNE RIVIERE... 

Et au milieu coule une rivière....

Je suis né au bord d’une rivière. De ma chambre d’enfant, je pouvais entendre l’eau caressé les cailloux. Cette mélodie m’a toujours accompagné où que je sois sur cette Terre.

Et au milieu coule une rivière......

Alors que je me noyai dans un océan d’alcool, chaque jour ma tête remontait difficilement au dessus des flots de mes désastres, au bord de mon oreille soufflait encore un peu du bruit de la rivière.
En ce temps là, à demi mourant, ma tête était incapable de sortir de la confusion. Aucune idée, aucune pensée ne se trouvait blanchie du sceau de la confusion. Je devenais fou.
Ma femme ne m’aimait plus, mes parents m’avaient encore une fois abandonné, mon travail était perdu, ma vie ne se résumait qu'à une longue logorrhée incompréhensible aussi bien pour moi que pour les autres.
L’aube n’avait pas tenue sa promesse, mais c’était pire que ça, le crépuscule pointait son nez, je n’avais pourtant même pas 38 ans....
Alors, le soir je m’accrochai pour trouver quelques minutes de sommeil au flots de la rivière, je descendais  transporté ailleurs, loin de mon alcoolisme, loin de moi.

 

711094582.jpg

Et au milieu coule une rivière....

Alors que je gisais la tête dans l’eau, les cailloux balayés par l’eau rentraient petit à petit dans mon être. Je m’enterrai de l’intérieur.
L’alcool avait la particularité de vous faire assister chaque jour à votre enterrement, les yeux grands ouverts vous regardez coincé dans le cercueil de votre impuissance la cérémonie, ce n’était même pas une marche funéraire.
Un oiseau vint se poser au creux de mes lèvres dégageant lentement les cailloux. Il  retira une parcelle de vie et l’emmena survoler la rivière.

Dans le bec de l’oiseau, je vis ma terre d’alcoolisme. Une terre aride, brûlée, couleur ocre et grise, où erraient des êtres décharnés au regard vide et hagard.

 

2081573259.jpg

Et au milieu coule une rivière....

L’oiseau survola en tout sens ce territoire, mon territoire à jamais.
Il me déposa au sommet d’un plateau, à la frontière. Ma frontière.
Au pied d’un arbre bleu, assis sur une mousse verte, un aigle multicolore me parla:


"Vois tu, je t’ai fais survoler ta vie d’alcool. Veux tu continuer à vivre ainsi ? Cesse de geindre et suis le cours de l’eau.
As tu remarqué que ta rivière traverse aussi bien ton alcoolisme, qu' elle a traversé tous tes instants de bonheurs, et qu' elle traversera ton avenir et ce que tu en fera. Tu es surpris mais le sens Arlequin est là.
"et au milieu coule une rivière" n’est pas le bruit de la rivière de ton enfance, pas que cela. C’est la rivière qui coule en toi, celle qui t’as accompagné jusqu' à tes terres désastreuses et sans vie. C’est tout à la fois. Ton passé, ton présent et ton avenir, il te faut recevoir et accepter ta vie dans son ensemble comme le fais ta rivière. La rivière traverse les pires contrées mais elle ne s' y arrête pas, pourquoi ne pas la suivre ?
ne reste pas là mais sache que ce territoire en toi existe et garde le souvenir de la douleur que tu as eu à y séjourner pour ne pas y revenir.
Songe aux indiens et à leur énergie à délimiter les territoires des morts pour ne pas s' y égarer. Ton alcoolisme est un territoire de Morts, quitte le et va vivre."

Je quittai l’Aigle multicolore. Il me laissa en souvenir mon surnom Arlequin.

 

836429952.jpg 

"Et au milieu coule une rivière"

Chaque soir au coucher, je prononce à voix basse "et au milieu coule une rivière" et je descends dans un sommeil de Vie rejoindre des contrées colorées où une brise légère caresse la joue des enfants pour que plus tard, ils n’oublient jamais cette promesse et ce don qu’est le souffle d’une Vie, sa légèreté et son extrême fragilité.

Dominique W