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28.04.2011

Après l’hiver

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Après l'hiver

N’attendez pas de moi que je vais vous donner
Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
Je suis par le printemps vaguement attendri.
Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
Croire, remercier confusément les choses,
Vivre sans reprocher les épines aux roses,
Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.

Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces messieurs faire avec ces dames des manières.

26 juin 1878

Victor HUGO  

Recueil de poèmes  Toute la lyre

Après l'hiver-PhotosLP Fallot-Avril 2011.jpg

Photos Louis-Paul Fallot

Haute-Provence

Méailles (photos 1 et 2)  et Annot (3)

Avril 2011

 Après l'hiver-PhotosLP Fallot-avril 2011 (2).jpg

 

06.04.2011

La prière d'Aimé Césaire

 Cahier d'un retour au pays natal-Aimé césaire.JPGet voici au bout de ce petit matin ma prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris, les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de modeler
donnez à mon âme la trempe de l’épée
je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de proue
et de moi-même, mon cœur, ne faites ni un père, ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.

Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
comme le poing à l’allongée du bras !
Faites-moi commissaire de son sang
faites-moi dépositaire de son ressentiment
faites de moi un homme de terminaison
faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement

faites de moi l’exécuteur de ces œuvres hautes
voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant
homme –

Mais les faisant, mon cœur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je
n’ai que haine

car pour me cantonner en cette unique race
vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle

la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.

Aimé Césaire Cahier d'un retour au pays natal

 

LIEN : Sur Saison 2 Hommage à Aimé Cézaire

 

23.03.2011

La maitresse d’école

Musée de Guillaumes-PhotosLP fallot.jpg

 

 

La maitresse d’école

 

A l'école où nous avons appris l' A B C
La maîtresse avait des méthodes avancées.
Comme il fut doux le temps, bien éphémère, hélas !
Où cette bonne fée régna sur notre classe,
Régna sur notre classe.

Avant elle, nous étions tous des paresseux,
Des lève-nez, des cancres, des crétins crasseux.
En travaillant exclusivement que pour nous,
Les marchands d'bonnets d'âne étaient sur les genoux,
Etaient sur les genoux.

La maîtresse avait des méthodes avancées
Au premier de la class' ell' promit un baiser,
Un baiser pour de bon, un baiser libertin,
Un baiser sur la bouche, enfin bref, un patin,
Enfin bref, un patin.

Aux pupitres alors, quelque chose changea,
L'école buissonnière eut plus jamais un chat.
Et les pauvres marchands de bonnets d'âne, crac !
Connurent tout à coup la faillite, le krack,
La faillite, le krack.

Lorsque le proviseur, à la fin de l'année,
Nous lut les résultats, il fut bien étonné.
La maîtresse, ell', rougit comme un coquelicot,
Car nous étions tous prix d'excellence ex-aequo,
D'excellence ex-aequo.

A la récréation, la bonne fée se mit
En devoir de tenir ce qu'elle avait promis.
Et comme elle embrassa quarante lauréats,
Jusqu'à une heure indue la séance dura,
La séance dura.

Ce système bien sûr ne fut jamais admis
Par l'imbécile alors recteur d'académie.
De l'école, en dépit de son beau palmarès,
On chassa pour toujours notre chère maîtresse,
Notre chère maîtresse.

Le cancre fit alors sa réapparition,
Le fort en thème est redevenu l'exception.
A la fin de l'année suivante, quel fiasco !
Nous étions tous derniers de la classe ex-aequo,
De la classe ex-aequo !

A l'école où nous avons appris l' A B C
La maîtresse avait des méthodes avancées.
Comme il fut doux le temps bien éphémère, hélas !
Où cette bonne fée régna sur notre classe,
Régna sur notre classe.

Georges Brassens Poèmes & Chansons, page 319

POINTS VIRGULE – Editions du Seuil 

Et  chanté par Maxime

  

Musée Guillaume-PhotosLP Fallot.jpg

PHOTOS: Louis-Paul Fallot

 Guillaumes (Alpes-Maritimes) 

Le musée des arts et traditions populaires

 

LIEN : Georges (expo, livre, aticle de presse…) sur Terra Philia