06.04.2011
La prière d'Aimé Césaire
et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris, les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de modeler
donnez à mon âme la trempe de l’épée
je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de proue
et de moi-même, mon cœur, ne faites ni un père, ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.
Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
comme le poing à l’allongée du bras !
Faites-moi commissaire de son sang
faites-moi dépositaire de son ressentiment
faites de moi un homme de terminaison
faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement
faites de moi l’exécuteur de ces œuvres hautes
voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant
homme –
Mais les faisant, mon cœur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je
n’ai que haine
car pour me cantonner en cette unique race
vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle
la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.
Aimé Césaire Cahier d'un retour au pays natal
LIEN : Sur Saison 2 Hommage à Aimé Cézaire
Publié dans Actu, Livre, Texte choisi | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : aimé césaire, poème, livre, hommage | 05:00 | Facebook |
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23.03.2011
La maitresse d’école
La maitresse d’école
A l'école où nous avons appris l' A B C
La maîtresse avait des méthodes avancées.
Comme il fut doux le temps, bien éphémère, hélas !
Où cette bonne fée régna sur notre classe,
Régna sur notre classe.
Avant elle, nous étions tous des paresseux,
Des lève-nez, des cancres, des crétins crasseux.
En travaillant exclusivement que pour nous,
Les marchands d'bonnets d'âne étaient sur les genoux,
Etaient sur les genoux.
La maîtresse avait des méthodes avancées
Au premier de la class' ell' promit un baiser,
Un baiser pour de bon, un baiser libertin,
Un baiser sur la bouche, enfin bref, un patin,
Enfin bref, un patin.
Aux pupitres alors, quelque chose changea,
L'école buissonnière eut plus jamais un chat.
Et les pauvres marchands de bonnets d'âne, crac !
Connurent tout à coup la faillite, le krack,
La faillite, le krack.
Lorsque le proviseur, à la fin de l'année,
Nous lut les résultats, il fut bien étonné.
La maîtresse, ell', rougit comme un coquelicot,
Car nous étions tous prix d'excellence ex-aequo,
D'excellence ex-aequo.
A la récréation, la bonne fée se mit
En devoir de tenir ce qu'elle avait promis.
Et comme elle embrassa quarante lauréats,
Jusqu'à une heure indue la séance dura,
La séance dura.
Ce système bien sûr ne fut jamais admis
Par l'imbécile alors recteur d'académie.
De l'école, en dépit de son beau palmarès,
On chassa pour toujours notre chère maîtresse,
Notre chère maîtresse.
Le cancre fit alors sa réapparition,
Le fort en thème est redevenu l'exception.
A la fin de l'année suivante, quel fiasco !
Nous étions tous derniers de la classe ex-aequo,
De la classe ex-aequo !
A l'école où nous avons appris l' A B C
La maîtresse avait des méthodes avancées.
Comme il fut doux le temps bien éphémère, hélas !
Où cette bonne fée régna sur notre classe,
Régna sur notre classe.
Georges Brassens Poèmes & Chansons, page 319
POINTS VIRGULE – Editions du Seuil
Et chanté par Maxime
PHOTOS: Louis-Paul Fallot
Guillaumes (Alpes-Maritimes)
Le musée des arts et traditions populaires
LIEN : Georges (expo, livre, aticle de presse…) sur Terra Philia
Publié dans Actu, Photo, Provence, Texte choisi | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : brassens, le forestier, école, guillaumes, cancre | 05:55 | Facebook |
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19.03.2011
Je ne suis pas seul
Sur mon balcon à Cagnes, ce samedi matin 19 mars 2011.
Une Note inspirée par l'actualité et en écoutant la chronique d'Ivan Levaï sur France Inter qui commencait ainsi:
Japon – Libye – Fukushima – Benghazi. (...)
On peut (ré) écouter Le Kiosque d'Ivan Levaï durant 30 jours.
J'ai eu envie d'aller lire quelques poèmes de Paul Eluard et j'ai choisi celui-ci.
Je ne suis pas seul
Chargée
De fruits légers aux lèvres
Parée
De mille fleurs variées
Glorieuse
Dans les bras du soleil
Heureuse
D'un oiseau familier
Ravie
D'une goutte de pluie
Plus belle
Que le ciel du matin
FidèleJe parle d'un jardin
Je rêveMais j'aime justement.
Paul ELUARD, Médieuses, 1939
Je ne suis pas seul, à écouter, par Gérard Philippe
Illustrations: Photos Louis-Paul Fallot
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