30.08.2015
Il nous faut regarder (Jacques Brel)
Illustration "Sur la terrasse du Musée Château à Antibes", août 2014
Photographie Louis-Paul Fallot
Il nous faut regarder
Derrière la saleté
S'étalant devant nous
Derrière les yeux plissés
Et les visages mous
Au-delà de ces mains
Ouvertes ou fermées
Qui se tendent en vain
Ou qui sont poings levés
Plus loin que les frontières
Qui sont de barbelés
Plus loin que la misère
Il nous faut regarder
Il nous faut regarder
Ce qu'il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient
Par-delà le concert
Des sanglots et des pleurs
Et des cris de colère
Des hommes qui ont peur
Par-delà le vacarme
Des rues et des chantiers
Des sirènes d'alarme
Des jurons de charretier
Plus fort que les enfants
Qui racontent les guerres
Et plus fort que les grands
Qui nous les ont fait faire
Il nous faut écouter
L'oiseau au fond des bois
Le murmure de l'été
Le sang qui monte en soi
Les berceuses des mères
Les prières des enfants
Et le bruit de la terre
Qui s'endort doucement.
Les berceuses des mères
Les prières des enfants
Et le bruit de la terre
Qui s'endort doucement.
Extrait de Poésie & Chansons, Jacques Brel par Jean Clouzet chez Seghers
Cette chanson de Jacques Brel figure sur son 1er album « Jacques Brel et ses chansons » sorti chez Philips en 1954.
Ci-après, l'une des vidéos que l'on peut trouver sur Internet, j'ai choisi celle-ci pour la qualité du son.
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15.07.2015
Tranches de semaine
C’est mon livre du moment (enfin l’un d’eux) et j’ai adoré cet extrait des pages 32/33 de l’édition poche 2013 (*).
Il y est question des jours de la semaine…
Se décollant un peu du mur, Adamsberg poussa la porte de son bureau et lui fit signe d’entrer.
- C’est vrai, admit Mathilde en s’asseyant, vous n’êtes pas une agence de renseignements. Ma journée, elle est mal partie. Hier, avant-hier, pas mieux. Çà fait donc une tranche de semaine foutue. Je vous souhaite d’avoir passé une meilleur tranche que moi.
- Une tranche ?
- À mon idée, lundi-mardi-mercredi, ça fait une tranche de semaine, la tranche 1. Ce qui arrive dans la tranche 1 est d’un genre assez différent de ce qui arrive dans la tranche 2.
- Jeudi-vendredi-samedi ?
- Voilà. Si on regarde bien, on voit plus de surprises sérieuses dans la tranche 1, en général, je dis bien en général, et plus de précipitation et d’amusement dans la tranche 2. Question de rythme. Ça n’alterne jamais, à la différence des stationnements pour voitures dans certaines rues, où pendant une quinzaine on a le droit de se garer, et pendant la suivante on n’a plus le droit. Pourquoi ? Pour reposer la rue ? Pour faire jachère ? Mystère. En tous les cas, avec les tranches de semaine, ça ne change jamais. Tranche 1 : on s’intéresse, on croit à des machins, on trouve des trucs. Drame et miracle anthropiques. Tranche 2 : on ne trouve rien du tout, on apprend zéro, dérisoire de la vie et compagnie. Dans la tranche 2, il y a beaucoup de n’importe qui avec n’importe quoi, et on boit pas mal, alors que la tranche 1, c’est plus important, c’est évident. Pratiquement, une tranche 2, ça ne peut pas se rater, ou disons que ça ne tire pas à conséquence. Mais une tranche 1, quand on la bousille comme celle de cette semaine, ça fout un coup. Ce qui s’est passé aussi, c’est qu’au café, c’était de la palette aux lentilles au menu. La palette aux lentilles, ça me fout le bourdon. C’est la désespérance. Et ça, en pleine fin de tranche 1. C’était pas de chance, cette foutue palette.
- Et le dimanche ?
- Alors là, le dimanche, c’est la tranche 3. À elle seule la journée compte pour une tranche complète, c’est dire comme c’est grave. La tranche 3, c’est la débandade. Si vous conjuguez une palette aux lentilles et une tranche 3, en vérité il n’y a plus qu’à mourir.
- Où on en était ? demanda Adamsberg, qui avait l’impression soudaine et pas désagréable de s’égarer plus encore en cette femme qu’en lui-même.
(*) " L’homme aux cercles bleus" de Fred Vargas, édition de poche chez J’ai Lu
La photo de la couverture de cette édition de poche est signée Mark Owen
C’est la 1ère enquête avec le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg.
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19.06.2015
Umani
issa terra nantu à le so mane
hè cum’è fiore cum’è pane
hè di vicende paisane
di muratelle è di funtane
anu figlioli à allevà
quelle faccende di l’andà
a pacienza chì u tempu sà lascià (*)
Humains
cette terre qu’ils ont sur les mains
c’est de la farine c’est du pain
pétrie de maux de paysans
de murets de fontaines d’antan
ils ont des fils à faire grandir
du labeur pour leur avenir
la patience que la vie sait dire
ils portent en eux toutes leurs peines
jusqu’au silence de leurs veines
un fleuve recueille leurs tourments
et leur soleil est au levant
tôt sur la vie une heure avant
une heure plus tôt s’en vont semer
et si chez eux l’on vient frapper
il y a un feu pour s’y chauffer
ils sont humains
humains
seulement humains …
humains
et moi aussi
et moi aussi
ils ont la peau à peine hâlée
de poussière de maquis trempé
leurs sables d’amour tamisés
et quand la nuit s’en vient trahir
qu’il n’est de mot qui puisse dire
combien une âme peut souffrir
ils ont cette foi à relever
l’homme qui vient à tomber
ils sont humains
humains
seulement humains …
humains
et moi aussi
et moi aussi …
Umani, Recueil de textes de Jean-François Bernardini, pages 84 à 87
(*)Texte que l’on peut trouver dans ses deux versions – corse et française - dans Umani , un recueil de textes de Jean-François Bernardini paru aux éditions du Seuil en 2002. C’est aussi le titre de l’album d’I Muvrini, paroles et musique du même auteur. J’ai relu le livre et écouté le disque à nouveau à notre retour de Corse et je dédie cette Note à un ami qui m’est cher ainsi qu’à sa compagne.
Photographies Louis-Paul Fallot, Corse, juin 2015
Lien: Umani sur le site d'I Muvrini
Publié dans Photographie, Texte choisi | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : corse, umani, jean-françois bernardini, i muvrini | 08:54 | Facebook |
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